Au cours de votre activité, qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus ?
Les relations avec les usagers. Livrer un travail qui fonctionne bien. Nous essayons de faire des choses qui possèdent des qualités émotionnelles, dans lesquelles notre personnalité s’exprime. Et voir les gens ressentir toutes ces émotions fait partie de nos grandes satisfactions.
Comment coïncide ce côté émotionnel avec l’idée de publicité « envahissante » ?
Je dirais plutôt que la beauté, par exemple, est une grande pourvoyeuse d’émotions. Les meilleures réalisations en publicité sont celles qui provoquent des émotions dont le public se souvient. C’est ce vers quoi nous tendons.
Vous êtes décrits comme créatifs et drôles, mais vous êtes aussi provocateurs, non ?
Que ce soit notre signature ? Oui et non. Il ne nous importe absolument pas d’être provocateurs dans chacun de nos projets. Nous l’avons beaucoup été dans nos travaux personnels, comme dans « 40 Days of Dating ». C’est vrai que nous aimons entamer le dialogue en dehors de notre zone de confort. C’est souvent l’occasion de s’éprouver soi-même. Le design sert alors à organiser toutes ces expérimentations.
Provoquer pour se faire connaître…
Je n’aime pas cette idée. Nombre de créateurs, même s’ils font sensation, ne sont pas des provocateurs. Considère-t-on James Turrell comme tel ? C’est l’un des artistes les plus connus, il est pourtant loin de chercher à choquer comme un Maurizio Cattelan.
Communiquer dans un monde qui change, saturé d’images, est-ce plus difficile ?
L’une des choses les plus difficiles concerne les réseaux sociaux. Avant eux, vous aviez un budget pour mettre au point cinq photos destinées à être imprimées. Avec les réseaux sociaux, vous devez produire deux cents images… pour le même budget. Et les jeunes photographes sont plus prisés que les anciens expérimentés afin d’optimiser les budgets. Voilà pourquoi la photographie est en crise.
Quels sont vos projets en cours ?
L’un d’entre eux, sur la beauté, sera exposé au MAK de Vienne avant d’entamer une tournée dans d’autres musées. Mais il ne s’agit pas de beauté physique ou cosmétique, mais plutôt d’esthétique dans l’architecture et le design. Or, dans l’art et le design, la beauté semble être passée de mode, ce qui, selon nous, est une idiotie. Notre exposition va justement tenter de démontrer à quel point la beauté est toujours nécessaire.
Dans le secteur du design, cette beauté serait-elle perçue comme conventionnelle ?
La suprématie du fonctionnalisme sur la beauté est aussi le signe d’une certaine paresse chez les designers. Il y a longtemps, quand les designers suisses sont apparus, leur radicalité a été très bien accueillie. Aujourd’hui, cultiver le même esprit, c’est le faire intervenir dans un contexte différent. C’est stupide et facile.
À une époque où l’innovation côtoie aussi de grandes peurs, comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?
Avec l’élection de Donald Trump, New York et le reste du monde ont été comme stupéfaits. Je savais que les choses n’allaient pas s’arranger pour les femmes et les minorités. Beaucoup de gens, créatifs ou non, se sont mobilisés pour émettre de nouvelles idées. Bien sûr, tout n’était pas parfait avant… Je me demandais pourquoi le monde du design ne montrait pas plus de diversité, pourquoi il y avait si peu de femmes dans les cercles de décision. Et l’élection de Trump a fait réaliser à tout le monde qu’il était plus que jamais nécessaire d’avancer, quel que soit le président. Et observer davantage de gens qui s’impliquent me donne de l’espoir.
> « Sagmeister & Walsh: A Retrospective ». Au Design Museum Holon, à Tel-Aviv, jusqu’au 20 octobre. Dmh.org.il